Comment faire avec ses propres tensions ?

samedi 6 mai 2017, par Charlotte Duroyon

Nous pouvons déjà... mieux nous comprendre

Oui, l’accompagnement des tout-petits n’est pas de tout repos ;)

Vous avez dit tensions ?

Les tensions en partie en lien avec l’accompagnement de tout-petit
L’accueil ou l’accompagnement de tout-petits, ou d’enfants/adultes n’ayant pas les moyens de "digérer" par eux-mêmes leurs propres émotions (lié à leur niveau de développement) nous amène à décrypter leurs tensions et à "mettre en forme" ce qui se passe pour eux.

Les cris, les pleurs...cela peut créer une tension nerveuse chez la professionnelle...chez le parent...

On peut aussi accumuler d’autres tensions, plus musculaires ("T.M.S = tensions musculo-squelettiques"), liées à la tension nerveuse et/ou aux portages et aux gestes de maternage, dans lesquels on ne protège pas toujours suffisamment son dos ou ses articulations...

Mais pas que !
... tensions qui se voient augmentées par tout ce qui peut aussi se raconter à l’intérieur (autrement dit : nos pensées !) lorsqu’on se sent "dans le rush". Par exemple : lorsque Paul, 6 mois, a faim et pleure, tandis que sa soeur Chloé, 3 ans, vient de renverser son assiète et que Jules est en panique, ne trouvant pas son doudou :...des pensées peuvent se déclencher chez l’adulte, pensées qui elles-mêmes créent des émotions, des ressentis en nous, si bien qu’au final : voilà un beau sac de noeuds, au sens propre comme au sens figuré

..et, pour les professionnelles de multi-accueil : s’ajoutent aussi parfois les "crispations" liées aux petites contrariétés relationnelles, conséquences de la complexité, parfois, de "faire avec les différences"...

Notre rapport au conflit, notre rapport au sentiment d’impuissance..sont aussi d’autres d’éléments qui peuvent venir influer sur notre degré de "tensions".

Mode d’expression des tensions : variable

Selon les situations et selon chacun, les tensions peuvent se percevoir de l’intérieur...ou pas. Il peut arriver de ne pas se rendre compte de ses tensions ; c’est alors l’attitude, le comportement qui change : une perte de la capacité de contenance, un changement de ton, un changement de regard sur l’enfant, une réactivité plus forte aux bruits, un cham de vision du regard qui se restreint, un rythme de mouvement qui s’accélère, le sentiment qui tout s’accélère...Ainsi on a + ou – conscience de ses tensions et de son état, fluctuant aussi les instants !

Mode d’emploi ?

Arf, pas de mode d’emploi...ce serait tellement plus simple !
Mais quelques pistes quand même :)

Discerner ce sur quoi je peux agir
Il s’agit de discerner ce sur quoi il est possible d’agir, afin de ne pas se "rajouter" des tensions.
Quand j’accompagne des enfants :
- Je ne peux pas changer le "caractère", "la façon d’être" de l’enfant, mais en l’accompagnant et en changeant le regard que j’ai sur lui, je lui donne les conditions nécessaires pour qu’il puisse se constuire, évoluer, diversifier ses façons d’être, de faire, de s’exprimer ; et au final il pourra faire différemment avec ses propes contrariétés, frustrations...
- Je ne peux pas changer "la façon d’être" des parents, des collègues...mais je peux changer mon regard sur eux et ma façon de communiquer avec eux (compétence que je peux développer).
- Je peux agir sur ce qui fait partie de "ma part" :
dans les situations de tensions, discerner en quoi c’est délicat pour moi : "ma part" – mais je ne peux pas le faire pour ma collègue ou pour mon conjoint ;) -
prendre + conscience de ce qui me touche, de ce qui génère des tensions chez moi : être attentive à ce qui se "raconte à l’intérieur de moi" dans telle ou telle situation : première étape !
- Je peux être attentive à ma façon de me positionner pour porter bébé, pour le déposer dans le lit, que je sois maman, auxilaire ou assistante maternelle dudit bébé.
cultiver la détente, le relâchement au fur et à mesure de la journée, en partageant des activités plaisantes avec les enfants ! En m’autorisant à me faire plaisir avec eux !
- Je peux m’étirer plusieurs fois par jour
- Je peux revoir l’organisation, réfléchir aux priorités que je mets dans ma façon de m’organiser (je pense notamment aux assistantes maternelles, qui sont seule à leur domicile et n’ont pas le soutien qu’on peut trouver dans une équipe)
m’entrainer à entretenir un regard positif chaque jour...

En mettant mon énergie "au bon endroit", c’est-à-dire là où j’ai du pouvoir d’action : je peux agir et prendre soin de moi dans mon travail ou à la maison

Entre comment je voudrais faire, et ce que je perçois de ce que je fais réellement

Lorsqu’on choisit d’accompagner les enfants différemment que ce que l’on a reçu, on peut parfois percevoir un décalage entre ce qu’on voudrait faire, et ce qu’on fait réellement. Si tel est le cas : bienvenu sur l’autoroute du changement ;).
Et cela génère parfois beaucoup de tensions...d’autant si on prend pour référence "comment on voudrait faire dans l’idéal" -par définition c’est inatteignable ! : alors c’est mission impossible pour se sentir bien avec soi-même, avec son travail.
Il y a un secret simple : prendre comme référence non plus "la-professionnelle-parfaite-qui n’existe-pas", ou "le parent-parfait-que je-voudrais-être", mais plutôt viser "le petit pas de +" à rapport à là où je perçois en être"....

Et quand la perception de soi-même ou de ses propres tensions s’élargit...

Quand on prend conscience de certaines attitudes, ou de comment certaines choses nous touchent finalement davantage que ce qu’on avait perçu jusqu’à présent : alors là aussi c’est vite fait de se créer (malgré soi) des tensions avec cela. Car alors je perçois une "limite", je peux vivre de l’impuissance, si mon regard se fixe sur ce que je voudrais faire et que je ne sais pas faire pour l’instant..le temps d’apprendre et de s’entraîner à faire autrement ! Alors, accueillions-nous déjà là où nous en sommes pour l’instant ! Dans un second temps, on pourra toujours regarder le plus-petit-pas-de-plus-possible ! Le secret n’est-il pas parfois de s’écouter plus finement, et de prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres ?

Faire juste de mon mieux

Dans un premier temps il va s’agir d’accepter là où j’en suis dans ma façon de travailler, dans mon rapport à mes propres tensions, dans ma façon de prendre soin de moi, avec le degré de conscience qui le mien ; "Faire de mon mieux" est changeant d’un moment à l’autre, d’une situation à l’autre, selon le contexte. Il s’agit de faire de mon mieux, pas davantage !, pas moins ! = garder présent à l’esprit que "mon mieux" varie d’un moment à l’autre, selon la fatigue, selon ce que j’ai vécu avant mon travail, etc.

Un premier pas : être attentive à mon état et l’accueillir

Plus on a conscience de son état intérieur, dans ses variations perpétuelles, plus on va pourvoir s’ajuster à soi-même et aux autres. Ainsi, à chaque moment de la journée, je peux prendre quelques secondes pour me demander :

De 0 à 5, en cet instant : Quel est mon niveau de disponibilité psychique ?
Et, à propos de mon regard : quel est la largeur du champ visuel que j’utilise, juste maintenant ?
Et au fait, quel est mon rythme de mouvement, mon degré d’énergie, de tonus, juste en cet instant ?

Un deuxième pas : choisir de me relier, régulièrement, à un bon moment, et à ce qui va bien

Par exemple le matin en me levant et le soir avant de me coucher, je peux prendre le temps de me relier à quelque chose qui m’a été agréable, qui m’a satisfait dans la journée ; petit à petit le regard s’habitue à repérer plutôt ce qui va bien, et ce qui naturellement nous détend.

Je vous souhaite de belles explorations ! ;)

“Charlotte Duroyon”